L’ultimatum de JINIM à Diarra Transport et, par extension, à toutes les autres compagnies maliennes, place l’intégralité du secteur des transports dans une position intenable et moralement inacceptable. Ces conditions ne sont pas une solution de sortie de crise, mais une tentative d’asservissement systémique visant à la fois l’économie, la souveraineté de l’État et les libertés individuelles. Notre aîné, Abdoul Karim Dramé, contributeur régulier à notre journal, analyse et propose des solutions.
I. L’épée de Damoclès sur les compagnies de transport
Pour les compagnies comme Diarra Transport, la situation relève d’un dilemme tragique :
A.le risque de l’obéissance : de la victime au complice
Accepter les quatre conditions de JINIM, c’est signer un pacte avec le diable qui transforme les transporteurs en rouages involontaires du réseau terroriste :
* complicité criminelle (condition 2) : l’obligation d’embarquer des « passagers suspects » sans les signaler fait des chauffeurs et du personnel de bord des complices de fait, sujets aux poursuites de l’État et aux pressions des terroristes. C’est l’instauration d’une insécurité juridique et physique maximale pour les employés.
* perte de dignité et d’autorité (conditions 1, 3, 4) : en acceptant la neutralité face aux FAMA, l’imposition du Hidjab (voile) et l’arbitrage des dommages, les compagnies reconnaissent de facto l’autorité du groupe armé sur l’État malien. Elles deviennent des « entreprises d’occupation » qui appliquent la loi de l’ombre, discréditant totalement leur statut légal.
* précédent dévastateur : si Diarra Transport cède, toutes les autres compagnies (sénégalaises, mauritaniennes, ivoiriennes, etc.) opérant au Mali seront soumises aux mêmes exigences, étendant le contrôle de JINIM à l’ensemble du corridor économique régional.
- le risque du refus : l’asphyxie économique et le sabotage
Refuser l’ultimatum signifie maintenir la suspension des activités et assumer :
- pertes économiques massives : l’arrêt prolongé met en péril la survie même des entreprises, le paiement des salaires, le remboursement des prêts, et la capacité à assurer l’entretien des flottes. Le risque de faillite est imminent.
- menace sur l’approvisionnement national : l’arrêt des transporteurs fragilise les chaînes d’approvisionnement du pays, notamment en carburant et en denrées essentielles, un objectif clairement affiché par JINIM pour « asphyxier » Bamako.
- L’impératif de la coalition étatique et professionnelle
Face à cette tentative de prise en otage des transports, la seule réponse viable pour l’État malien, le Conseil Malien des Transporteurs Routiers (CMTR), et les entreprises comme Diarra Transport est le front uni et la résistance stratégique :
– soutien public et matériel aux compagnies : l’État doit immédiatement fournir des garanties concrètes aux compagnies qui refusent l’ultimatum. Cela pourrait se traduire par des exonérations fiscales ou des aides financières directes pour compenser les jours d’arrêt, assurant ainsi leur survie économique et leur permettant de ne pas céder au chantage.
– militarisation sélective des convois : pour briser le blocus sans céder à JINIM, la seule option à court terme est la mise en place de convois d’approvisionnement militaires et civils hautement sécurisés par les FAMA sur les axes critiques. Cette action réaffirme l’autorité de l’État sur ses routes.
– dénonciation transfrontalière : le gouvernement doit travailler avec les pays voisins (Sénégal, Mauritanie, Côte d’Ivoire) pour dénoncer l’impact régional de cet ultimatum. Les conditions posées par JINIM menacent le commerce interrégional et appellent une réponse coordonnée pour sécuriser les corridors.
– affirmation légale et morale : le CMTR et les compagnies doivent publiquement refuser l’ultimatum en bloc, soulignant que leurs obligations sont envers les lois du Mali, la sécurité des passagers et les libertés fondamentales, et non envers un groupe armé. Céder sur l’obligation du Hidjiab (condition 3), par exemple, est une trahison des principes républicains et de la dignité féminine. Le temps n’est plus à la négociation indirecte. L’ultimatum du JINIM doit être considéré comme une déclaration de guerre économique et sociale. La survie du secteur des transports et la souveraineté nationale dépendent de la capacité de l’État malien à soutenir les entreprises qui font le choix de la légalité et de la dignité.
AKD
Source: Le National